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Tout savoir sur le racket émotionnel

et les émotions parasites
Colère, tristesse, angoisse, … nous ressentons tous des émotions. Mais notre manière de les exprimer n’est pas toujours adaptée à notre ressenti réel. De manière volontaire ou pas, nous les exprimons parfois de manière biaisée, nous pratiquons ce qu’on appelle le racket émotionnel. Comme expliquer ce phénomène comportemental ? Comment le détecter ? Et surtout comment qui faire face ?

Qu’est-ce que le racket émotionnel ?

Le terme de « racket émotionnel » désigne un schéma comportemental dans lequel une personne exprime une émotion différente de celle qu’elle ressent réellement. Cette émotion, qualifiée d’émotion « racket », « parasite » ou « substituée », se distingue de l’émotion « authentique », qui reflète véritablement les sentiments de l’individu.
Par exemple : se retenir de pleurer pour se montrer fort, simuler sa joie quand on reçoit un cadeau qui ne nous plait pas, faire semblant d’être en colère ou triste pour attirer l’attention ou obtenir ce que l’on souhaite …
Le racket émotionnel implique donc l’expression biaisée de nos sentiments. Il peut se faire soit de manière délibérée, dans le but de manipuler les autres, soit de manière involontaire, se produisant ainsi inconsciemment.

Le racket émotionnel inconscient

Pour se conformer aux normes sociales

Nous pouvons effectivement exprimer une émotion plutôt qu’une autre ou faire semblant de ne rien ressentir et ce, sans le savoir ni le vouloir. En réalité, nous avons, bien malgré nous, appris à “racketter” nos émotions dans le but de se conformer à ce que notre communauté attend de nous.

Chez tous les êtres humains, le décès d’un être cher provoque de la tristesse. En revanche, la manière dont on manifeste son chagrin – en l’exprimant publiquement ou seulement en privé dépend de la culture dans laquelle on vit.

Daniel GOLEMAN

L’intelligence émotionnelle, Editions J’ai lu

Influencés par notre culture et notre éducation, nous sommes effectivement comme conditionnés à ressentir des émotions parasites parce qu’elles sont culturellement “imposées” ou que nos émotions authentiques sont “interdites”. Nous assimilons ainsi des règles sociales qui dictent la façon d’exprimer nos émotions face à une situation.
Par exemple, Si j’ai grandi dans une famille qui ne tolère pas la tristesse pour les garçons, avec des injonctions du style “Un homme, ça ne pleure pas !”, j’ai appris, pour m’en sortir, à substituer l’émotion “tristesse”, interdite, par la “colère”, autorisée. Ainsi devenu adulte, j’aurais tendance à me sentir en colère à chaque fois que j’ai besoin de réconfort.
Comme l’explique Bernard RIME dans Le partage social des émotions, Editions Puf, « Par l’observation et l’imitation, l’individu incorpore à son répertoire les particularités expressives propres à son milieu social spécifique. Par les connexions mnésiques, les structures émotionnelles de l’individu s’enrichissent des éléments typiques de son expérience propre. Par l’éducation, l’individu assimile les règles sociales de l’expression et du contrôle et il apprend quand et sous quelle forme il convient de manifester ses émotions. »
Un enfant de 4 ans est incapable de dissimuler sa déception et faire semblant d’être content à la réception d’un cadeau qui ne lui plait pas. Il l’apprendra plus tard en imitant les émotions par un apprentissage miroir sur le visage de ses parents. Et il simulera ainsi de la joie alors qu’il ne la ressent pas.

Exemples d’émotions racket culturellement imposées

Les japonais ont pour usage de montrer un visage « égal » quel que soit les circonstances. De manière générale en Asie, se mettre en colère en société n’est pas très toléré et fait preuve d’une grande faiblesse d’esprit.
culture differente asie
Dans certains communautés indonésiennes, la honte est une expression utilisée à la réception d’un cadeau. Afin que l’enfant montre de la honte quand il reçoit un cadeau, les adultes l’humilient jusqu’à ce qu’il fasse profil bas. Dans notre culture occidentale,  nous avons culturellement tendance par politesse à exprimer de la joie ou au moins un contentement si nous recevons un présent.
A Madagascar,  montrer sa colère démontre une bonne santé. Elle représente un gage de vigueur. Les parents entraînent donc les enfants dès le plus jeune âge à exprimer cette émotion. Ils les encouragent et les applaudissent à chaque fois que leur progéniture affiche de l’agressivité envers les autres.
Le racket émotionnel résulte donc de l’influence sociale et culturelle que nous subissons. Cependant, il peut également être délibérement utilisé comme une stratégie en vue de manipuler les autres.

Le racket émotionnel délibéré

Pour persuader les autres

Nous pouvons feindre de « fausses » émotions pour obtenir ce que l’on souhaite des autres. Les émotions racket sont alors exprimées de manière exagérée dans le but de susciter de la culpabilité, de la peur, de la pitié ou d’autres émotions chez les autres afin de les faire changer de comportement. Voici quelques exemples pour mieux comprendre :
Un enfant se met en colère car il veut absolument que son père ou sa mère lui achète un jouet. Mais malgré sa rage, le parent ne répond à sa demande. L’enfant peut alors décider d’exprimer de la tristesse à la place. Cette « émotion parasite » de tristesse lui permettra d’obtenir le jouet tant désiré.
Se positionner en victime des autres et clamer “Je suis toujours si malheureux, personne ne se soucie de moi.” dans le but de susciter la compassion et obtenir de l’aide ou de l’attention.
Une personne accuse une autre en disant : “Tu me rends tellement en colère en faisant ça !” et simule de la colère en hurlant.  Ainsi, son intention est uniquement de faire culpabiliser l’autre personne et de la forcer à répondre aux exigences fixées.
Comme pour toute stratégie comportementale, si cette stratégie fonctionne, nous aurons tendance à la reproduire. Nous nous habituons ainsi à substituer nos émotions par d’autres. Et nous considérons nos émotions parasites comme “normales” et avons des difficultés à les détecter.

Racket émotionnel ≠ Travail émotionnel

Le racket émotionnel est à distinguer du travail émotionnel. Tout comme le racket émotionnel, le travail émotionnel illustre l’expression biaisée de nos émotions de manière volontaire. Mais le travail émotionnel a pour objectif de feindre ses émotions en vue de se conformer à notre fonction ou notre position sociale et non pas de manipuler les autres.

Délibéré ou inconscient, feindre l’expression de nos émotions pertube le bon fonctionnement de notre système émotionnel, essentiel à notre épanouissement.

Comprendre le fonctionnement du système émotionnel

Les émotions authentiques sont indispensable à notre bien-être

Pour comprendre les effets néfates du racket émotionnel, il faut intégrer un des principes fondamentaux de l’intelligence émotionnelle :

Nos émotions authentiques servent à révéler l’insatisfaction de nos besoins fondamentaux.

Notre système émotionnel se comporte comme un système de messagerie. Les émotions transmettent un message “attention, un de tes besoins n’est pas satisfait” dans le but de nous indiquer le comportement le plus approprié face à une situation. Et afin que nous sachions comment agir, chaque émotion (colère, tristesse, honte…) correspond à un besoin spécifique (besoin de reconnaissance, réconfort, protection, conformisme…).
Par exemple, imaginez vous vous promenez et un inconnu vous agresse et vous insulte
 

  • Certains d’entre vous auront besoin d’être respectés et considérés. Ils vont sans doute manifester de la colère et réagir avec violence en insultant l’agresseur à son tour.
  • D’autres ressentiront de la peur car ils auront besoin d’être protégés et se mettre hors de danger.
  • On pourrait également considérer ce type d’agression comme courante et bénigne et ressentir aucune émotion. On resterait alors complément indifférent et continuerait son chemin.

Une émotion, un besoin

Afin que vous puissiez connaître et comprendre cette correspondance émotion-besoin, voici une document inspiré des travaux de Paul ECKMAN, reconnu mondialement pour ses recherches sur les expressions émotionnelles. J’ai listé ici les émotions les plus souvent ressenties. Notez que ce document s’applique dans notre culture occidentale (européenne et nordaméricaine). En effet, il ne serait sans doute pas la même en Asie, Afrique ou Orient. Nous pouvons également remarquer que même les émotions agréables (joie et fierté) s’accordent à des besoins qui vont dicter nos comportements.
Une émotion, un besoin. Comprendre la cause des émotions.
En somme, l’expression authentique de nos émotions dévoile notre ressenti réel et, par conséquent, nos besoins. Cela nous permet ensuite de répondre à ces besoins, ce qui contribue à notre bien-être. En ce sens, toutes les émotions – même les plus désagréables – sont utiles. Elles servent à savoir quoi faire pour nous rendre plus heureux. A l’inverse, l’expression biaisée de nos sentiments, le racket émotionnel, entrave la satisfaction de nos besoins et limite notre épanouissement. Détecter les émotions parasites et savoir y faire face est alors essentiel.

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Comment détecter et faire face au racket émotionnel ?

Le dysfonctionnement des émotions parasites

Un point crucial à retenir ici :

L’émotion parasite ne s’accorde pas au besoin réel de l’individu qui l’exprime.

Exemple : une personne qui devrait avoir besoin de réconfort et exprime de la colère au lieu d’exprimer de la tristesse.
Lors du racket de nos émotions, notre comportement et celui de notre entourage ne saura pas satisfaire nos “vrais” besoins. Ainsi le racket émotionnel peut conduire à un mal-être (car nos préoccupations perdurent. Il peut également entraîner un dysfonctionnement dans nos relations. De notre côté, notre entourage n’adopte pas la réaction que nous aurons souhaité réellement. Du coté de notre entourage, notre réaction émotionnel est considérée comme “anormale” ou “bizarre”,  elle le dérange et le perturbe.
Par exemple, votre entourage n’aura pas le même comportement avec vous si vous exprimez de la colère ou de la tristesse. D’un côté, il aura tendance instinctivement  à vous démontrer son respect envers vous et peut-être de s’éloigner. De l’autre, il aura envie de se rapprocher de vous pour vous réconforter. Ainsi, votre entourage ne saura pas quel comportement adopter.

Gérer nos propres émotions parasites

Pour différencier nos émotions parasites de nos émotions authentiques, l’idéal est de développer ce que les experts appellent la “conscience émotionnelle“. Cette compétence consiste à avoir la capacité à reconnaître ses propres émotions et les sensations physiologiques qu’elles déclenchent. Dans notre culture occidentale, nous ne sommes pas habitués à nous connecter à notre ressenti corporel. Acquérir cette compétence peut donc sembler difficile et nécessite parfois une formation et un accompagnement spécifique.

Une autre manière pour identifier ses propres ressentis et savoir s’ils sont rachetés, est de comprendre la cause de notre réaction émotionnelle : le besoin révélé par notre émotion. 

intelligence émotionnelle définition

Pour cela, je vous conseille de vous poser les questions suivantes à chaque fois que vous ressentez une émotion désagréable :

  • En quoi cette situation me préoccupe ?
  • De quoi ai-je vraiment besoin face à cette situation ?
  • Qu’est-ce que je souhaite exactement ?
Répondre à ces questions permet de définir le besoin réel que vous avez et ainsi remonter via le document Une émotion, un besoin à l’émotion authentique que vous auriez dû exprimer.

Gérer les émotions parasites des autres

Cas d’un racket émotionnel inconscient

Si vous pensez que votre interlocuteur exprime une émotion substituée de manière involontaire, par habitude, aidez-le en détectant son ou ses besoins réellement insatisfaits. Vous pouvez lui poser les questions précédemment évoquées. En quoi cette situation te préoccupe ? Pourquoi est-elle si importante à tes yeux ? Que souhaiterais-tu exactement face à cette situation ? Ainsi, vous pourrez retrouver l’émotion qu’il aurait dû exprimer.

Cas d’un racket émotionnel délibéré

Dans cette situation, l’émotion parasite est souvent exprimée de manière très exagérée. Votre interlocuteur affiche une émotion “trop intense” par rapport à la situation.

Vous devez tout d’abord faire prendre conscience à votre interlocuteur que vous pensez que son expression émotionnelle vous semble biaisée. Ensuite, évoquez avec lui une leçon fondamentale de l’intelligence émotionnelle (IE) : on ne peut pas rendre responsables les autres de ses propres ressentis. En effet, nos ressentis ne sont que le reflet de nos besoins – qui dépendent de notre perception et de notre vécu. On ne peut donc pas accuser les autres de nos propres réactions émotionnelles.

N’attribuons pas la responsabilité de nos émotions aux autres. Ne dites pas “Je me sens comme cela à cause de toi ou parce que tu as fait ceci ou cela”. A la place, nous prenons conscience que nos émotions sont liées à des besoins.

Marshall ROSENBERG

Communication non violente avec Marshall Rosenberg – Traduction Jérôme Gadeyne

Par exemple, une personne de votre entourage vous accuse de le mettre en rage : “A cause de toi, je suis en colère, regarde !”. Répondez simplement que sa réaction émotionnelle lui appartient et que vous n’êtes absolument pas responsable de sa colère. Votre interlocuteur aurait très bien pu réagir autrement.
Une fois ce “recadrage” effectué, vous pouvez alors encourager votre interlocuteur à détecter son besoin réel – le cas échéant – et exprimer ses émotions de manière honnête et transparente.

Comment exprimer ses émotions de manière authentique ?

Une des techniques les plus employées pour exprimer ses émotions de manière authentique, sans recourir à des manipulations émotionnelles est la communication non violente (CNV). Cette méthode, fondée par  Marshall Rosenberg, présente 4 étapes résumées sous l’acronyme OSBD.
La CNV recommande d’exprimer clairement ce que l’on ressent et ce dont on a besoin, tout en respectant les besoins et les sentiments des autres pour parvenir à des solutions mutuellement satisfaisantes. Elle permet donc de savoir adopter une posture assertive.
Voici une vidéo qui explique très brièvement cette méthode. J’y consacrai un article prochainement.

Comprendre la communication non violente en 3 minutes

En résumé

Le racket émotionnel représente une expression biaisée de nos émotions involontaire (issue de nos règles sociales) ou involontaire (à des fins persuasives).

2 caractéristiques distinguent une émotion parasite d’une émotion authentique. D’une part elle s’exprime souvent de manière exagérée. D’autre part, l’émotion racket ne correspond pas au besoin réel de l’individu qui l’exprime.

Ces émotions parasites engendrent des conséquences nocives sur nos relations et notre épanouissement personnel. C’est pourquoi il est essentiel d’y faire faire et savoir exprimer ses émotions de manière transparente et honnête.

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