Comment utiliser ses émotions pour décider ?
Or, que ce soit pour arbitrer sur un investissement financier ou statuer sur le choix d’un candidat … les émotions s’invitent à la table au moment de prendre la décision !
Alors, les émotions nous dérangent-elles ou au contraire nous aident ? Doit-on suivre notre ressenti ou au contraire rester rationnel ? Doit-on utiliser ses émotions pour décider ? Et si oui dans quelles situations ?
Les émotions influencent nos décisions
Emotions incidentes ou intégrées
Vous êtes membre d’un comité de Direction et vous devez voter pour ou contre l’acquisition d’une nouvelle société. Ce projet est risqué et les incertitudes sont élevées. Si vous ressentez de la colère (car un collègue vient de vous faire une blague de mauvais gout), vous aurez sans doute tendance à voter “pour” l’acquisition. A l’inverse, si vous ressentez de l’anxiété (vous pensez à un entretien demain avec un de vos clients), vous voterez “contre”.
Ainsi, pour prendre une bonne décision, il s’agit tout d’abord de réguler ces émotions incidentes qui la parasitent.
Et pour les émotions qui font partie du choix à prendre (les émotions intégrées), faut-il les écouter ? Notre intuition est-elle vraiment fiable ? Avant de répondre à ces questions, comprenons les 2 système qui régissent nos décisions.
Les 2 systèmes de décision
Vous avez ce problème à résoudre.
Une balle et une batte de baseball coutent 1.10€. La batte coût 1 euro de plus que la balle. Combien coûte la balle ?
A cette question, nous avons tendance à répondre rapidement « 10 centimes ». Si nous prenons quelques minutes pour calculer, nous découvrons que la réponse exacte est 5 centimes (1.05+0.05=1.10€).
Si la plupart d’entre nous plongeons dans le piège, c’est que nous utilisons un système intuitif pour répondre rapidement. En effet, notre cerveau fonctionne comme un ordinateur à 2 processeurs, appelés par Daniel KAHNEMAN : “Système 1” et “Système 2”.
appelé communément l'”intuition” ou le “feeling“
- intuitif
- sensible aux biais cognitifs
- automatique
- inconscient
- rapide
- sans effort
appelé le système “rationnel”, “réfléchi”
- raisonné (par étape)
- moins sensible aux biais cognitifs
- lent
- avec effort
Le système 1 est utilisé pour répondre à une question dont on connait déjà la réponse (Comment t’appelles-tu ?) ou une question simple et récurrente (Quel repas ? Comment s’habiller ?). On est en “pilotage automatique“. Il permet d’être rapide et d’économiser beaucoup d’énergie. Au contraire, le système 2 résout les problèmes grâce à une approche analytique : il découpe les problèmes en sous-problèmes plus simples et les résout un à un. Le système 2 nécessite attention et concentration. Il est beaucoup plus lent et énergivore.
Quand utiliser ses émotions pour décider ?
Histoire du commandant face à un feu de maison
(En situation d’urgence, les décideurs) utilisent leur expérience en s’appuyant sur des modèles qu’ils ont construits depuis 10, 15, 20 ans d’expérience.(…) On peut parler d’intuition car ce n’est pas quelque chose qu’ils délibèrent consciemment : la solution leur vient juste à l’esprit.
Gary KLEIN
Vidéo How can leaders make good decisions under a crisis? – Gary Klein on Fresh perspectives – LOOKTOK
Cette histoire démontre que utiliser ses émotions pour décider est fiable quand nous sommes dotés d’une expérience solide. C’est justement ce qu’a modélisé Daniel KAHNEMAN dans sa grille de décision.
La grille de décision
- l’expérience – Avons-nous assez d’expertise dans le domaine concerné par la décision ?
- l’environnement : L’environnement concerné par cette décision est-il régulier, prévisible ?
- une intuition efficace – Expérience élevée et environnement stable – Situations où nous pouvons utiliser nos émotions pour décider
- une intuition apprenante – Environnement stable mais manque d’expérience
- un “excès de confiance” – Expérience élevée mais environnement incertain
- une intuition chaotique – Faible expérience et environnement instable
Intuition efficace
Process d’une décision en utilisant ses émotions
Gary KLEIN explique que les décideurs ou pression ne prennent pas le temps d’étudier plusieurs alternatives. De manière extrêmement rapide, les décisions intuitives se prennent en 3 temps. Tout d’abord, les décideurs ont une première indication inconsciente (dans l’histoire du commandant, c’est un bruit d’incendie différent). Ensuite ils trouvent très furtivement une solution (ici d’évacuer de toute urgence). Enfin, ils simulent mentalement cette option et le cas échéant, ils la choisissent.
En d’autres termes, pour utiliser ses émotions pour décider, il faudrait visualiser rapidement la première option qui nous vient à l’esprit et la saisir si cette simulation mentale s’avère pertinente.
En somme, l’intuition est efficace uniquement lorsque l’environnement est certain et l’expérience solide. Dans les autres situations, l’intuition n’est pas efficace.
Excès de confiance
Intuition apprenante
Certains experts conseillent d’ailleurs de trouver une première option rapidement grâce au système 1 et de la valider avec le système 2. Cette technique permet d’éviter d’analyser toutes les options et donc de gagner du temps.
Intuition chaotique
En résumé
Seules les émotions intégrées, celles qui concernent la décision sont utiles. Pour les autres émotions, dites “incidentes”, il faut apprendre à les réguler.
Nous avons 2 systèmes de décision : intuitif et rationnel.
- Notre intuition (système 1) nous transmet toujours rapidement une solution.
- Le système 2 quant à lui doit être sollicité par un effort et est plus lent.
L’utilisation de notre système intuitif est efficace dans le cas d’un environnement stable. Si nous possédons une expérience significative, nous pouvons nous fier à notre intuition. Simuler mentalement la première option qui s’offre immédiatement à nous et voir si cela fonctionne. Si nous ne possédons pas d’expérience significative, nous pouvons alors s’amuser à exercer son intuition.
Dans le cas d’un environnement instable, une analyse rationnelle est nécessaire suivant un processus de décision et mettre en place des bonnes pratiques pour contrer les biais cognitifs.
(1) Bernard Anselem – Conférence “Emotions et prise de décision – MSH Alpes”
(2) Harvard Business Review – Voir l’article en entier