Gérer ses émotions : les clés de la maîtrise de Soi
Comment ne pas hurler sur vos collègues de travail ou votre conjoint.e à la moindre contrariété ou encore ne pas fondre en larme au moindre imprévu ? Plusieurs stratégies de gestion émotionnelle existent. Certaines peuvent s’avérer efficaces mais d‘autres sont contre-productives ! Alors quelles sont les clés de la maîtrise de soi ?
Que signifie savoir gérer ses émotions ?
Savoir gérer ses émotions représente l’une des compétences émotionnelles de l’intelligence émotionnelle. En effet, “être intelligent émotionnellement” suppose d’être capable d’identifier, comprendre, gérer, exprimer et utiliser les émotions (ses propres émotions mais aussi celle des autres). Dans cet article, nous nous intéressons seulement à la compétence émotionnelle : “gérer ses propres émotions“. On parle de “gestion émotionnelle”, “régulation émotionnelle”, “contrôle émotionnel” ou plus largement de “maîtrise de soi”.
La gestion émotionnelle peut se définir comme la capacité à inhiber, maintenir et moduler ses propres affects en les intégrant à ses processus cognitifs pour choisir le comportement le plus approprié dans un contexte donné. Autre ment dit, gérer ses émotions consiste à agir sur les 3 composantes de l’émotion.
Les 3 composantes de l’émotion
- Composante physiologique : les expressions faciales et corporelles de l’émotion,
- Composante cognitive (ou psychologique) : les pensées qui surviennent lors du ressenti émotionnel
- Composante comportementale : les actions que nous menons suite au ressenti émotionnel
Par exemple, vous marchez sur une route et vous entendez une voiture s’approcher rapidement, vous ressentez de la peur qui va se décomposer en 3 parties successives :
- Composante physiologique : Votre cœur se met à battre vite, votre respiration est accélérée, vos pupilles se dilatent, vous avez les mains moites…
- Composante cognitive : Vous vous dites « Cette voiture va m’écraser !»
- Composante comportementale : Par un bond, vous passez de la chaussée au trottoir
L’épisode émotionnel
Les recherches en neuroscience affective ont récemment démontré que ces composantes émotionnelles se suivent dans un ordre précis : d’abord les réactions physiologiques (corporelles) ensuite les réactions psychologiques (nos pensées). On appelle ce processus l’épisode émotionnel.
Retenez qu’une émotion ne dure que quelques secondes voire quelques minutes. Au-delà on parle d’humeur (quelques heures) ou de troubles émotionnels (quelques jours). La gestion émotionnelle concerne donc uniquement les réactions émotionnelles de courte durée. Les troubles émotionnels sont traités en thérapie avec des médecins spécialisés.
Peut-on apprendre à gérer ses émotions ?
Acquis ou inné ?
Certaines personnes sont de nature anxieuse, d’autre se révèlent plus colériques que la moyenne… On pourrait donc que nos états émotionnels font partie de notre personnalité et que nous n’avons donc pas de pouvoir sur nos émotions.
Mais comme l’explique Mark Brakett, directeur du Centre de l’intelligence émotionnelle à l’Université de Yale, “Je ne peux pas changer ma génétique, mais je peux changer ma manière d’exprimer mes émotions et ma façon de les réguler.”
En effet, il existe une différence entre ressentir l’émotion (réactions physiologiques et psychologiques) et l’action qu’elle entraîne (comportement). Par exemple, il y a une différence entre “ressentir de la colère” et l’agressivité qu’elle peut engendrer.
Autrement dit, nous ne pouvons pas choisir de ressentir une émotion. Par exemple, si notre équipe favorite de rugby ou de foot gagne, nous allons ressentir de l’allégresse bien malgré nous. Nous ne pouvons pas choisir de la ressentir ou pas. Par contre, nous pouvons moduler nos réactions psychologiques et physiologiques. Par exemple, ressentir de la joie de manière volontairement modérée ou excessive. Et nous pouvons surtout choisir l’action à mener suite à cette émotion et la façon de l’exprimer (hurler, sauter de joie ou juste sourire).
Réguler nos émotions peut s’apprendre en suivant une formation spécifique. Nombreuses études ont prouvé que les actions de formation sont véritablement efficaces pour augmenter notre intelligence émotionnelle et plus spécifiquement, notre capacité à gérer nos émotions. (1) Comme pour toute compétence comportementale, la gestion émotionnelle s’apprend en intégrant de nouvelles habitudes dans son quotidien. Les compétences comportementales (soft skills), à la différence des compétences techniques (hard skills) sont des aptitudes qui se développent par l’action.
Comment développer ses soft skills ?
(1) NELIS D., KOTSOU I., QUOIDBACH J., HANSENNE M., WEYTENS F., DUPUIS P.,& MIKOLAJZAK M. (2011), Increasing emotional competence improves psychological and physical well-being, social relationships, and employability. Emotion, 2, 354-366
Gérer ses émotions, un exercice difficile
Il est difficile de maîtriser ses émotions parce que le savoir-faire requis doit être acquis dans des moments où l’individu est précisément le moins capable d’enregistrer des informations nouvelles et d’apprendre de nouvelles habitudes de réaction.
David GOLEMAN
1. L’identification de ses émotions
C’est la capacité à savoir exactement ce que l’on ressent et le nommer avec précision. Ce qui suppose de maîtriser un vocabulaire émotionnel riche et également de reconnaitre ses propres sensations et expressions émotionnelles.
2. La compréhension de ses émotions
C’est l’aptitude à analyser le déclencheur – la situation qui a provoqué l’émotion et ce qu’on appelle la “cause” de l’émotion, à savoir étudier et tenter de résoudre le problème révélé par l’émotion. Nous en reparlerons dans cet article.
Comment gérer ses émotions ?
Plusieurs stratégies de gestion émotionnelle
Il n’existe pas une seule et même stratégie pour gérer ses émotions : tout dépend du contexte dans lequel elles sont vécues et de la personne qui les vit ! Ce qui compte c’est le coût de la stratégie par rapport aux bénéfices qu’elle apporte. En réalité, il existe une multitude de stratégies possibles. Mais certaines stratégies ont souvent des effets indésirables et d’autres non.
Gérer ses émotions : les 3 choses à ne pas faire
Se noyer dans l’émotion
Eviter l’émotion
Bon nombre de personnes éprouvent des difficultés dans la vie non pas parce qu’elles vivent des émotions désagréables – c’est inévitable –, mais parce qu’elles essayent désespérément de s’en débarrasser.
BARLOW
Si, par inadvertance ou négligence, nous ignorons le signal d’alarme émis par nos émotions, il s’amplifiera et se modifiera pour attirer notre attention. N’oublions pas que si ce système a pu assurer notre survie, c’est parce qu’il se montre intraitable. Il ne peut être réduit au silence oui ignoré. Si nous ne nous préoccupons pas de nos besoins, nos besoins s’occuperont de nous.
« Il faut nettoyer son vase émotionnel régulièrement. », c’est-à-dire résoudre le problème qui a créé l’émotion « Sinon la moindre remarque que va vous faire quelqu’un va vous faire péter un plomb ».
Bernard FLAVIEN
L’intelligence émotionnelle: quelle utilité dans l’entreprise ?, EM Grenoble
Eviter la situation
Exemple : cas d’une prise de parole en public
Si l’on éprouve une peur bleue de parler face à un groupe d’inconnus, nous ferons naturellement tout pour que la situation ne se produise pas. Et, pour réduire le phénomène psychologique de dissonance cognitive, nous allons trouver mille et une excuses et preuves que nous avons raison de fuir : « c’est trop difficile », « ce n’est pas pour moi », « la dernière fois était terrible », « je suis incompétent », « la formation que j’ai reçue n’est pas la bonne »… De fait, la prochaine fois que l’occasion se présente, nous serons encore plus effrayés à l’idée de parler en public. En d’autres termes, en évitant la situation qui provoque une angoisse, cette angoisse augmente.
Exemple : cas d’une trahison
Si vous avez été cruellement trahi par un ami ou un membre de votre famille, il y a de fortes chances pour que vous ne souhaitiez plus revivre cette situation. Pour vous protéger, vous pourriez opter de ne plus vous engager dans de nouvelles relations, ne plus faire confiance aux autres. Résultat : pour ne plus être déçu, vous vous retrouvez tout seul… votre souffrance sera ainsi bien plus élevée. On le voit ici éviter les situations “désagréables” ne fonctionnent pas.
Combler le besoin – Technique SEBA
A quoi servent les émotions ?
Les émotions sont des messages envoyés par notre cerveau pour nous dire comment nous comporter face à une situation (appelée déclencheur). Les sentiments nous permettent de savoir ce que nous devons faire après les avoir ressentis.
Antonio DAMASIO
Une émotion, un besoin
La technique SEBA
S – Situation
Décrire la situation, le déclencheur qui a provoqué l’émotion.
Face à cette situation…
E – Emotion
Nommer précisément l’émotion ressentie face à cette situation.
… je ressens …
B – Besoin
Détecter le besoin révélé par l’émotion.
… parce que j’ai besoin de…
A – Action
Trouver les actions à mener pour satisfaire ce besoin.
Exemple – Je ressens de l’ennui, de la lassitude
- Situation : je viens d’apprendre que je vais réaliser pour la nième fois le même projet.
- Emotion : je ressens de l’ennui, de la lassitude
- Besoin : stimulation intellectuelle, challenges, défis…
- Actions : me former, trouver d’autres missions, dégoter un autre poste, devenir slasheur, créer mon entreprise, m’investir dans ma vie extra-professionnelle (vie politique, associative … )
Exemple : Je ressens de la peur, de l’anxiété
- Situation : je vais passer un entretien de recrutement
- Besoin : stabilité, sécurité, protection
- Emotion : je ressens de la peur, de l’anxiété
- Actions : lister à l’avance toutes les questions possibles, m’entraîner davantage, prendre contact avec mon interlocuteur, réaliser une séance de préparation mentale, …
Comme l’explique Bernard ANSELEM, dans son livre, Ces émotions qui nous dirigent, Editions Alpen, 2021, “Les actions que vous pourrez mener feront en sorte de réduire ou supprimer la cause de l’émotion ressentie. Mais il est souvent difficile de changer nos habitudes de fonctionnement. Il faut une réelle volonté pour résoudre le problème. Par exemple, des retards fréquents le matin génère un stress quotidien. Se lever 15 minutes plus tôt peut supprimer la cause de ce stress. Cela parait évident (…). Mais cette solution entre en conflit avec un rituel profondément ancré en nous.”
Résoudre le problème révélé par l’émotion – quand cela est possible – s’avère évidemment la technique la plus efficace pour gérer l’émotion. Mais il n’est pas toujours possible. Dans certains cas, nous n’avons effectivement pas toujours l’opportunité de trouver les moyens de satisfaire nos besoins. D’autres stratégies s’offrent à nous.
Accueillir l’émotion – L’acceptation
Prendre un méta-moment
Être intelligent émotionnellement, c’est ne pas réagir à chaud.
Bernard FLAVIEN
L’intelligence émotionnelle: quelle utilité dans l’entreprise ?, EM Grenoble
Rappelez-vous, une émotion est une réaction brève qui dure quelques secondes voire quelques minutes. Donc quelques minutes suffisent souvent pour que la « crise » passe et retrouver nos fonctions exécutive – notre capacité de raisonnement.
Maïlys CHARLIER, Développer son intelligence émotionnelle : Conseils pour mettre ses émotions à contribution, 50Minutes (p. 44)
Accueillir et accepter ses émotions
Gérard APFELDORFER, psychiatre et psychothérapeute
Bernard ANSELEM
Modifier sa perception – La ré-évaluation
Si tu es stressé par quelque chose d’externe (ou d’interne), la peine n’est pas due à cette chose en elle-même mais à ta façon de la percevoir ; et cela tu as la capacité à tout moment de le changer.
Marc Aurèle
- pour une émotion que nous ressentons toujours et apprendre à la gérer
- ou pour une émotion passée et faire en sorte de ne pas reproduire la même réaction émotionnelle
Lorsque nous apprenons à gérer nos émotions, nous pouvons obtenir une perspective plus large sur n’importe quelle situation, et souvent nous sauver de la douleur et de la frustration.
Dr Childre et Howard Martin
Autres stratégies de gestion émotionnelle
Se distraire
L’activité physique
La plupart d’entre nous savons que nos émotions se répercutent sur notre état physique, mais fort peu de gens réalisent que l’inverse est également vrai : notre état physique se reflète sur nos émotions, les deux sont inséparables.
Tony ROBBINS
La nature
En parler à un proche
- de prendre du recul. On sort de l’émotionnel et passer dans le cognitif.
- de détecter nos préoccupations. Expliquer aux autres pourquoi on a réagi ainsi contraint d’y réfléchir pour le formuler.
- de réévaluer la situation. Nos proches apportent une autre vision de la situation, une alternative.
- de trouver des solutions pour résoudre notre problèmes, les moyens de satisfaire nos besoins
Le fait de parler de ses émotions, le docteur Rimé appellent le partage social des émotions. Selon lui, 90% de nos émotions intenses seraient partagées au moins une fois ! Ce qui explique sans doute pourquoi les secrets ne sont pas garés bien longtemps.
RIME
En résumé
Savoir gérer ses émotions, c’est être capable d’identifier et comprendre ses émotions pour les intégrer à ses processus cognitifs et adopté le comportement le plus approprié. En ce sens, la gestion émotionnelle suppose de savoir maîtriser les 2 autres compétences de l’intelligence émotionnelle qui lui précèdent : identifier et comprendre ses ressentis.
Plusieurs stratégies s’offrent à nous pour gérer nos émotions désagréables. 3 stratégies sont contre-productives : la rumination mentale, l’évitement de l’émotion ou de la situation qui provoque l’émotion à gérer. Et 3 stratégies sont vraiment efficaces :
- Détecter le besoin révélé par l’émotion et trouver les actions possibles pour le combler (technique SEBA)
- Accepter l’émotion comme une réaction passagère et légitime
- Modifier sa perception pour obtenir une réaction émotionnelle plus vertueuse (technique EMO-PROCESS).